mardi 6 février 2007

energies propres

Le concept d'écologie industrielle

Cette notion développée au début des années 1990 a pour but de mettre en œuvre le développement durable dans une société hyper-industrialisée.ERKMAN Suren, Vers une écologie industrielle, Ed. Charles-Léopold Mayer, 1998 (38, rue St Sabin, F - 75011 Paris - Tel/Fax: 00 33 1 48 06 48 86)
Partant du constat que les techniques de dépollution en aval ("end of pipe") ne constituent pas une réponse satisfaisante, que ce soit au niveau économique, technique ou environnemental, et plus fondamentalement qu'elles n'offrent aucune vision globale à long terme, certains auteurs ont publié des articles exprimant l'idée qu'il était possible de mettre au point des méthodes de production industrielle dont l'impact sur l'environnement serait considérablement réduit.
3.1. L'écologie industrielle.
"On retrouve 3 éléments principaux dans cette notion:· c'est une vision globale, intégrée, de tous les composants du système industriel et de leurs relations avec la Biosphère;
· la totalité des flux et des stocks de matière et d'énergie liés aux activités humaines constitue le domaine d'étude de l'écologie industrielle, par opposition aux approches usuelles, qui considèrent l'économie essentiellement en termes d'unités de valeur immatérielle;
· la dynamique technologique, c'est à dire l'évolution sur le long terme de grappes de technologies-clés constitue un facteur crucial - mais pas exclusif - pour favoriser la transition du système industriel actuel vers un système viable, inspiré par le fonctionnement des éco-systèmes biologiques."
3.2. Réduire la consommation et la pollution
L'exemple industriel qui est à la base de cette notion se trouve au Danemark, à Kalundborg. On y trouve une centrale électrique, une raffinerie de pétrole, une société de biotechnologies, une fabrique de plaques de gypse, ainsi que d'autres PME. Au fil du temps, les entreprises qui se sont installées dans ce port ont créé un complexe industriel où s'est pratiqué l'échange de déchets par le biais de pipe-lines: de la vapeur, de l'eau, et divers sous-produits.
Le bilan estimatif des avantages environnementaux et économiques de la symbiose de Kalundborg est le suivant: La réduction de la consommation annuelle des ressources est estimée à 45.000 tonnes de pétrole, 15.000 tonnes de charbon, 600.000 m³ d'eau. La réduction des gaz à effet de serre et de polluants est de 175.000 tonnes par an de gaz carbonique, de 10.200 tonnes par an de dioxyde de soufre En termes de réutilisation des déchets, 130.000 tonnes par an de cendres, 4.500 tonnes par an de soufre, 90.000 tonnes par an de gypse, 1.440 tonnes par an d'azote et 600 tonnes par an de phosphore ont trouvé preneur.

Sur le plan économique, les investissements totaux sur une période de 20 ans (soit 16 projets d'échanges de déchets) sont estimés à 60 millions de dollars. Les revenus annuels sont estimés à 10 millions de dollars et les revenus cumulés jusqu'à aujourd'hui s'élèvent à environ 120 millions de dollars. Le temps moyen d'amortissement reste inférieur à 5 ans.Ce complexe n'est pas exempt de critiques, mais demeure une référence en soi et le point de départ d'une réflexion préalable à d'autres projets.
3.3. La mise en œuvre .
La mise en œuvre peut s'opérer sur des zones industrielles où les entreprises coopèrent pour optimiser l'usage des ressources, notamment en valorisant mutuellement leurs déchets, les déchets d'une entreprise servant de matière première à une autre.C'est ainsi que des parcs éco-industriels ont vu le jour. Ils se distinguent des traditionnels programmes d'échanges de déchets, car ils visent une valorisation systématique de l'ensemble des ressources dans une région donnée et ne se contentent plus de recycler les déchets au coup par coup.Toutefois, ce concept se heurte à de nombreux problèmes.Les biocénoses industrielles sont plus faciles à organiser: il s'agit d'associations d'entreprises presque naturellement complémentaires. Ces complexes intégrés visent à utiliser de manière optimale tous les flux de matière et d'énergie liés à l'exploitation d'une denrée. On trouve ainsi des associations "pulpe-papier", "engrais-ciments" ou "aciéries-engrais-cimenteries".La Wallonie compte d'importantes entreprises (industrie sucrière, cimenteries, fours à chaux, filière bois, … ) qui intègrent peu ou prou ce scénario. La prochaine obligation de valoriser les déchets fermentescibles par biométhanisation devrait profiter à certaines d'entre elles. Il n'est pas interdit de penser qu'un four à chaux aurait tout intérêt à s'adjoindre une installation de thermolyse des déchets ménagers.
3.4. Les conséquences
· plutôt que de se focaliser sur le produit et la vente de ce produit, il s'agit de donner autant d'importance à la valorisation des déchets et à l'optimisation de tous les flux de matière et d'énergie mobilisés par l'entreprise;
· la notion de compétitivité et de concurrence acharnée fait place à une collaboration entre les entreprises pour assurer une gestion optimale des ressources;
· cette optimisation de l'ensemble des flux de matière et d'énergie devrait se traduire tôt ou tard par une performance et une compétitivité accrue ("l'éco-efficacité").
3.5. Les moyens du changement
Notre système industriel actuel doit mûrir pour parvenir à un mode de production et de consommation plus responsable et plus respectueux de l'environnement. On aborde alors la restructuration écologique. Quatre axes doivent être favorisés:
1. Valoriser les déchets comme ressources:Tous les déchets doivent être minimisés et les rejets de chaque transformation doivent servir de matière première secondaire à d'autres industries. Un effort particulier doit viser les petites PME qui n'ont pas nécessairement les moyens pour ce faire, notamment en matière de rejets liquides.Les emballages à base de polymères de biens de grande consommation ne devraient plus se retrouver en décharge, mais devraient être thermolysés. De façon globale, tous les déchets mis en décharge devraient subir une thermolyse, ce qui mettrait un terme à l'excavation de bonnes terres agricoles et à la pollution des nappes phréatiques que ces décharges occasionnent.
2. Boucler les cycles de matières et minimiser les émissions dissipativesLe recyclage des matières est nécessaire, mais il doit faire face à de sérieux problèmes techniques et environnementaux, sans parler des problèmes économiques:· le recyclage peut contribuer à stabiliser, voire à diminuer le flux des matières, mais il a tendance à accroître la vitesse de circulation de la matière.· le recyclage est, quoi qu'on dise, une activité souvent relativement polluante, consommatrice d'énergie et productrice d'émissions dissipatives dans l'environnement."Dans ce cadre, la thermolyse qui interviendrait après le tri-séparation des matières offre une optique des plus intéressantes.· freiner la dissipation des produits tels que lubrifiants, solvants, floculants, antigels, détergents, colorants, etc….par la prévention: en améliorant les matériaux, en substituant des substances dangereuses par des composés inoffensifs, voire en bannissant purement et simplement un produit trop dangereux ou trop difficile à recycler.
3. Concevoir des produits propresSi on veut atteindre un niveau de vie élevé pour une population mondiale en augmentation, tout en minimisant les impacts sur l'environnement, il faudra obtenir plus de services et de biens à partir d'une quantité de matière identique, voire moindre.Cette tendance s'est déjà concrétisée depuis plus d'un siècle: pour produire des biens, on pollue moins et on utilise proportionnellement de moins en moins de matière et d'énergie. Les nouveaux matériaux et les nouvelles technologies contribuent sans cesse à cette quête, dictée par les lois économiques et non environnementales, il faut bien le dire.Car "produire plus avec moins" ne signifie pas nécessairement "moins" du point de vue environnemental: certains produits sont plus fragiles et ont donc une durée de vie moindre. L'informatique, loin de se passer de papier, en consomme de façon croissante. Le même constat s'applique dans le domaine des services: les télécommunications, censées se substituer aux déplacements, en augmentent le nombre en multipliant les occasions de contacts entre les individus.Concrètement, la réflexion doit porter plus loin que la seule consommation d'un produit. Elle part d'une fonction dont on a besoin pour aboutir à l'objet à fabriquer en minimisant la consommation de matière et d'énergie durant la production, l'utilisation, l'entretien, les réparations, le recyclage et l'entreposage final. Ce sont les produits propres.
4. Décarboniser l'énergie.4.1. Rendre le système industriel énergétique plus frugal.A chaque flux de matière est associé un flux d'énergie. Par conséquent, une des manières les plus efficaces de modérer la consommation d'énergie réside précisément dans la stratégie de dématérialisation décrite plus haut. Mais il ne suffit pas de fabriquer des objets plus légers pour rendre le système industriel énergétique plus frugal.Ainsi, il serait judicieux d'installer, au centre des biocénoses industrielles décrites plus haut, une unité-partenaire productrice d'énergie. Si les centrales électriques ne sont pas foison, ni guère souhaitées par les riverains, rien n'empêche chaque zone industrielle de réserver un emplacement spécifique à une petite unité de thermolyse qui revendrait de la vapeur ou de l'électricité, tout en débarrassant les entreprises de déchets industriels banals. L'idéal serait qu'un collecteur de déchets associé à un organisme de recyclage tel FOST+ en Belgique (ou Eco-Emballages en France) se dote d'une telle unité. Cette symbiose serait un parc "énergético-éco-industriel".4.2. Utiliser moins de carboneLes combustibles fossiles ont été fortement exploités des dernières décennies et sont responsables des perturbations liées aux gaz à effet de serre que leur combustion entraîne.Il convient donc de développer plusieurs facteurs :· développer les énergies renouvelables · recourir à l'énergie contenue dans la biomasse · développer l'usage du gaz, qu'il soit de type naturel ou autre (gazéification de la biomasse, utilisation du gaz de thermolyse, du biogaz, du LPG) · développer la pile à combustible (hydrogène) · réduire les distances de transport des énergies fossiles utilisées actuellement.Dans ce cadre, de petites unités de thermolyse qui revendraient de la chaleur au sein d'une zone industrielle permettraient de réduire les approvisionnements en fuel de chauffage des entreprises.
3.6. Les limites de l'écologie industrielle
Si on peut se pencher sur les questions de matière et d'énergie, il est un facteur qui ne se traite pas comme les autres: le bien-être animal. Parce qu'il est question de vie et que, homme ou animal, on n'a qu'une seule vie. Il importe donc de la respecter en tant que telle. Dès lors, bannissons les élevages industriels et les transports de bétail de boucherie d'un bout à l'autre de l'Europe. Ces convois longue distance se font souvent dans des conditions éprouvantes, voire abominables. Les animaux de boucherie devraient être abattus près de leur lieu d'élevage et ce sont les carcasses qui devraient être transportées d'un pays à l'autre.
3.7 Vers un autre type de société ?
A l'heure de la mondialisation, on assiste à des modes de production et de fabrication dictés par les seules lois économiques: fabrication de produits en Extrême-Orient dans des conditions inhumaines, emploi de main d'œuvre enfantine, délocalisations, transports d'animaux de boucherie polonais vers des abattoirs méditerranéens, transports aériens de nuit pour colis exress… Ni l'homme ni l'environnement ne sortent gagnants de ce fonctionnement industriel de type productiviste où, dans la recherche du prix le plus bas, on assiste à des flux de matière et d'énergie comparables à un gaspillage général et organisé.
Ne serait-il pas temps de repenser notre mode de vie? L'idée de certains est de remplacer le concept de production/vente de produits neufs par le concept de service rendu.
Certaines firmes se sont déjà lancées dans l'aventure:
· Rank Xerox ne vend plus ses photocopieurs, mais les met à disposition tout en offrant la garantie de leur bon fonctionnement. Outre que l'opération est financièrement intéressante, elle permet de fabriquer moins de gros appareils au profit de pièces de rechange plus durables et plus nombreuses. Moins gourmande en matière et en énergie, cette conception fait appel à davantage de maintenance, ce qui augmente la demande d'emploi local.
· A Paris, une société met des voitures à la disposition de ses abonnés. Le concept de voiture individuelle qu'on n'utilise qu'une ou deux heures par jour, et qui entraîne des embouteillages et de fastidieuses recherches de parking, fait place à l'idée d'utilisation maximale d'un véhicule emprunté par plusieurs personnes dans la journée.
Ce changement implique que:
· les produits fabriqués soient des produits durables · ils soient prêts à une utilisation intensive. Fini, le temps où une firme engageait un ingénieur pour concevoir un appareil électrique suffisamment résistant pour couvrir la durée de la garantie, mais suffisamment fragile pour que le client doive rapidement en acheter un autre. La qualité doit remplacer la quantité.
En conséquence, l'augmentation de maintenance entraînera une relocalisation de l'emploi.Une véritable économie de services serait donc essentiellement régionale. Il en découlerait une transformation des rapports de force entre les différents types d'entreprises, l'Etat et les citoyens, qui pourrait notamment aboutir à une déconcentration du pouvoir économique.

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je suis:

perpignan, 66, France
energeticien délégue du personnel UNSA Dalkia DELEGUE SYNDICAL